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10 NOV. 2010

10 NOV. 2010

Je ne sais pas dans quelle langue écrire. * Il est midi à Séville et le ciel, que je peux voir d’ici vaste, entier au-dessus de la ville si petite sous lui, est lourd, chargé et gris. La pluie diagonale, le vent froid donnent à Séville un air français, un spleen incongru parmi les orangers. Ce matin aux aurores, l’amant s’en est allé, comme il se doit, comme dans les films, dans un taxi, vitement, vers l’aéroport, avec une douleur contenue, avant que le soleil ne se lève. Évidemment, il pleut sur Séville, il n’aurait pas pu en être autrement et ce sont ces matins-là, où rien n’étonne parce que tout fait si mal que tout fait rire, qu’il faudrait écrire, ces matins-là qu’il faudrait attraper avant qu’ils ne s’effacent. Mais il y a tant à dire et puis, aussi, il reste encore l’espoir; quand on couche une aube sur papier c’est qu’on sait qu’elle est perdue. Or ici, dans cette chambre remplie de l’odeur du tabac, des larmes et de l’amour, parmi le lit sale et défait par les querelles et les caresses de la dernière nuit, il y a l’écho encore proche de promesses et d’aveux, et c’est dans cette chambre qu’il me faut soit espérer, soit écrire. * La grisaille du ciel donne, par manque de contraste, aux toits blancs de Séville un air sale, terne. Leurs pâleurs s’ignorent et se confondent dans l’indifférence. De ma fenêtre, le paysage monochrome, dont l’unique relief est créé par la mince ligne brisée de crasse noire qui borde les toits et qui laisse encore vaguement deviner les cubes blancs des maisons, rappelle les toiles d'un peintre américain dont le nom m'échappe en ce moment. (Cela va de soi, semble-t-il). * La fatigue anime les humeurs et la lumière de manière étrange, comme des pantins que l’on secoue sans en comprendre l’art ni le mécanisme; rien ne semble à sa place, tout vient à soi brusquement, soudainement, avec maladresse, tout semble vide, de sens et de substance, mais étrangement manipulé par quelque chose qui nous échappe. * Apparemment, j'ai décidé d'écrire.

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